La Reyne d'Épée fixe la pointe de son arme comme si la vérité ne pouvait venir d'ailleurs. À moins qu'il ne fasse obsessionnel, la fixité de son regard est le gage de sa détermination. Sa couronne est faite d'or clair et de rouge : son intelligence sert directement sa nature animale et, donc, le pragmatisme de sa matérialité. Les signes de son intellect particulièrement vif et aiguisé sont visibles à presque tous les étages. En effet, de la tête aux pieds, des bandes dorées ceignent les pourtours de sa robe. Dans sa main droite, une épée rouge vif témoigne de la puissance manifestatoire de la Reyne d'Épée. La partie centrale de sa tunique a la même couleur, mais elle n'a peut-être pas la même fonction. Sur son abdomen, aux allures de bouclier, les plis de l'étoffe suggèrent une blessure... ou la trace d'une grossesse que sa main gauche semble confirmer. À l'instar d'Athéna, dont elle porte le pseudonyme, la Reyne d'Épée nourrit peut-être la nostalgie d'une vie intra-utérine avortée. Alors, comme Pallas, elle naîtrait éternellement du seul pouvoir des pensées. Et si elles étaient le fruit des réflexions de son propre père, la Reyne d'Épée matérialiserait pleinement son rêve de transcendance. Dans une réalité qui dépasse la fiction, Judith, veuve de Béthulie d'une beauté fascinante, prête ses traits à notre Reyne d'Épée. Selon la légende, cette héroïne fatale aurait séduit le Général babylonien Holopherne sur le point d'envahir sa ville. Après l'avoir enivré de vins et de danses, Judith lui fit perdre la tête, au figuré... et au propre aussi. Comme une boucle spatio-temporelle, le cynisme de cette décapitation patriarcale renvoie à l'ironie de la genèse d'Athéna, avatar de la Reyne d'Épée. D'après "Judith", August Riedel (1799 - 1883)